Histoires de Français Libres - La mort de son tuteur Jules Babeau - Roger Bruge

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La mort de son tuteur Jules Babeau

 

La version d'un historien, Roger Bruge

 

Le livre de Roger Bruge "1944 Le temps des Massacres, les crimes de la Gestapo et de la 51e Brigade SS" donne un autre éclaircissement sur la bataille et les atrocités qui ont suivi. Il cite ses auteurs : les SS de la 51e Brigade commandée par le Sturmbannfuhrer Walter Jôckel.

Roger Bruge joua un rôle actif dans la résistance locale. Il nous la montre "de l'intérieur", mais sans concession ni complaisance, avec le regard d'un historien. C'est parfois navrant ...

Les conditions de la clandestinité ne sont pas idéales pour l'entrainement militaire !

Page 281

Quelques maquisards sont venus au restaurant Moguet-Debure, à côté de l'épicerie-boulangerie Brisson et les commerçants leur ont préparé un casse-croûte. Les hommes fument leur première cigarette et ceux qui ont la curiosité de regarder le ciel doivent se dire que la journée va être chaude. Vers 8 h 30, des moteurs se font entendre dans la direction de Troyes et les gradés rappellent leurs maquisards aux postes de combat. Les habitants de Maisons-Blanches s'éclipsent et ferment leurs volets car ils ont compris que les véhicules sortant de Troyes seront interceptés les premiers.

Précédé par un side-car, un camion transportant des soldats allemands se présente sur la route nationale et, la discipline étant ce qu'elle est chez les FFI, ceux-ci ouvrent le feu à plus de 200 m. Sous le tir des fusils et armes automatiques, les deux véhicules devraient être criblés de balles et incendiés mais les maquisards sont de mauvais tireurs et ne réussissent qu'à blesser le soldat recroquevillé dans le panier du side-car. Nous avons plusieurs témoignages officiels sur cette affaire mais le récit le plus objectif semble être celui de Jean Gur, pharmacien à Troyes, en vacances a Maisons-Blanches avec sa famille :

" Débouchant à vive allure devant le barrage nord, le side et le camion ont été accueillis par des salves nourries à la hauteur du groupe de maisons Fourot, Mimey et Faron. Avant la Poste, le side s'est garé devant chez Mimey et l'un des occupants s'est mis en position de tir derrière un pilier du jardin. Les deux autres ont fait demi-tour avec le side jusqu'au mur nord de la maison et le camion s'est arrêté devant chez Garnichat où les soldats ont saute a terre. Ils se sont repliés vers Troyes, laissant un blessé qui a essayé de s'enfuir par les champs, derrière chez Faron. Les FFI ont avancé jusque chez Mimey et Garnichat, et la maison Mimey a été mise en état de défense, un poste de trois hommes avec un FM "

L'histoire du blessé allemand est controversée, certains témoignages le donnant pour tué. Aucune identification n'ayant été faite, nous admettrons qu'un Allemand a été atteint par les tirs des FFI. Sans plus

Page 284

Précédés par leurs éclaireurs, les SS partent en colonne par un et, quand ils tombent sous le feu des maquisards de Grandin, ils n'insistent pas et se replient à l'abri des maisons. Prévenu par la voiture-radio de Guse, Moeller prend ses dispositions pour tirer une cinquantaine de coups de 105 sur les barrages repérés. L'opération est classique: les obus éclatant sur les positions des FFI vont amener ceux-ci à décrocher et, quand les fantassins de l'Obersturmführer Guse reprendront leur progression, les grands arbres couchés en travers de la route ne seront plus défendus et l'on ressortira les passe-partout et les scies pour dégager la voie. Mais lisons la déposition de Lucien Farinet, maire de Buchères :

" Vers 12 h 30, un tir d'artillerie - environ 50 obus - est ouvert par les Allemands. La plupart des projectiles éclatent dans les champs, un seul sur une maison. J'ai alors vu que des maisons brûlaient au nord du pays et que des soldats allemands approchaient en longeant la route nationale. "

Page 284 encore

L'opération lancée par les SS à quelques kilomètres de Troyes ne se réduit pas à quelques incendies dont on ne sait même pas s'ils ont été allumés volontairement. Gaston Moguet, ancien maire de la commune, a commencé par s'abriter dans sa cave mais, préférant savoir à quoi s'en tenir, il est remonté un instant plus tard et, à sa vive surprise, il voit " des gens qui fuient en disant que les Allemands tuent et incendient. Des flammes montent du côté du château de Courgerennes, de chez Chaume, Lévêque et Fromonnot ".

Vous aurez compris que l'embuscade est un échec et que la résistance s'est prudement repliée sans qu'aucun fait d'arme ne soit à inscrire dans les tablettes de l'histoire

" Montcalm à Chériot

Les sections de la Cie franche commandées par le Lt. Grandin en position vers Maisons-Blanches sont attaquées par l'ennemi.
Le Lieut. Grandin a reçu l'ordre de décrocher sur Isle-Aumont par La Belle-Etoile, à votre gauche.
Prenez dispositions de combat afin de pouvoir soutenir les sections franches si besoin est.
Rendez compte rapidement de l'évolution de la situation.

PC le 24-8-44 - 13 h 45.

Montcalm.


Pour exécuter les ordres de son supérieur, Chériot va se préparer au combat mais la mise en place de son unité se révélera inutile car la 3e compagnie SS de Guse n'a pas pour instructions de poursuivre les " terroristes "

J'arrête là,
la description de la mort des 66 victimes du massacre n'apporterait rien de plus..

Page 286

Au château de Courgerennes, tout le monde est resté au sous-sol jusqu'à 9 h 20, puis, les rafales ayant cessé, le maître des lieux, Jules Babeau, a estimé qu'ils pouvaient se réinstaller au rez-de-chaussée. Ancien avocat du barreau de Troyes, Jules Babeau, âgé de 72 ans, passe tous les étés à Courgerennes avec son épouse, Marguerite, née Hoppenot. Ils ont à leur service une jeune cuisinière, Mauricette Thinet, 23 ans, de Bar-sur-Aube, et une petite bonne que nous connaissons déjà, Jeannine Coiffier. Le gardien de la propriété, jardinier pendant la saison, Isidore Voillemin, 56 ans, et son épouse Louise, 58 ans, ont demandé à M. Babeau l'autorisation d'héberger pendant quelque temps leurs enfants et petits-enfants dont la maison, à La Chapelle-Saint-Luc, leur parait peu sure en raison de la proximité du dépôt de la SNCF déjà attaqué à deux reprises par les bombardiers américains. Généreusement, Jules Babeau a accepté et Eugène Voillemin, 32 ans, sa femme Lucile et leurs deux enfants, Annie, 2 ans, et le petit dernier, Michel, qui a eu six mois le 22 février, se sont installés dans les communs. En tout douze personnes, douze personnes qu'une mort affreuse attend ce jour-là et dont on ne connaîtrait pas le déroulement sans le précieux témoignage de Jeannine Coiffier, seule survivante du massacre.

Vers 12 h 30, une sonnerie de clairon se fait entendre tandis que des coups de feu, plus proches que ceux du matin, éclatent dans les parages, une balle traversant même la porte de la cuisine.

" Nous étions huit, racontera la jeune fille, M. et Mme Babeau, Mauricette Thinet, M. et Mme Eugène Voillemin et leurs deux enfants. Des grenades ont éclaté et nous sortîmes du sous-sol pour ouvrir la porte aux Allemands et faire cesser les tirs et le grenadage. Mauricette précédait Mme Babeau qui priait, le rosaire à la main. Depuis la porte, un Allemand tira sur nous, à bout portant. La balle traversa le bras de Mauricette et atteignit en pleine poitrine Mme Babeau légèrement en retrait. Nous avons reflué en hâte vers la cave en soutenant Mme Babeau qui mourut aussitôt allongée sur le sol. A cet instant, des grenades furent lancées par les soupiraux et, voyant qu'ils allaient nous massacrer si nous restions enfermés, nous acceptâmes de remonter l'escalier. J'étais la dernière et, quand j'ai entendu les Allemands qui hurlaient et tiraient à nouveau, j'ai rebroussé chemin et suis revenue près du corps de Mme Babeau. Je venais de voir les soldats enlever les enfants des bras de Mme Voillemin qui criait comme si elle était blessée: " Ne faites pas ça! Je vous en supplie, ne faites pas ça ! "

Les SS ont d'abord abattu Jules Babeau qui tentait de s'interposer puis, en présence des parents qui les suppliaient, ils ont tué Annie et Michel, le bébé de six mois (à coup de crosse ou de talons de botte car les corps ne portaient pas de traces de coups de feu)...


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