| | | | | | Drôle de Guerre, hiver froid. Printemps 1940, coup de tonnerre du 10 mai. Et c’est l’avalanche de fausses nouvelles, de vérités tronquées. Afflux de réfugiés belges ou habitants du Nord de la France. Très vite, le bulletin diffusé par la radio se résume à R.A.S. Paris tombe. L’humiliation. La révolte devant la trahison des responsables civils et militaires. Confiance perdue. Pour savoir quelque chose, il faut essayer d’écouter la BBC. C’est pourquoi, le 18 ou 19 juin, j’ai entendu l’appel ou du moins une partie de l’appel du Général de Gaulle.
Mercredi matin, je croise sur mon chemin mon camarade Balère, jeune mécanicien au TPR. En quelques mots nous décidons d’essayer de partir vers l’Angleterre rejoindre De Gaulle. Peut-être avait-il eu vent de quelque chose ? Je n’en saurai rien car il a été tué en 1944 sur un avion du Groupe Lorraine, sur le chemin du retour, en Angleterre.
Le jeudi effervescence. Vers 14 heures (?) nous nous retrouvons rue des Cordeliers à Pau, au milieu d’une foule qui remplit toute la rue. Il devait y avoir un départ organisé mais ce n’était qu’une rumeur. Nous nous replions vers le départ des cars TPR rue d’Etigny. Un convoi doit être organisé pour nous mener à Bayonne
Encore un coup pour rien, si ce n’est l’arrivée d’une escouade de militaires, en armes, qui sont chargés de disperser tout le monde.
En compagnie de deux garçons de Nantes, nous déambulons dans la ville où nous sommes contrôlés par 3 policiers en civil qui circulent en voiture. Vers minuit, nous retournons au dépôt de cars. Nous apprenons que nous devons nous rendre à Bayonne par le car de 7 heures Pau / Biarritz. Et là, le matin du 21 juin, changeant des voyageurs aux deux ou trois haltes du car, nous nous retrouvons 17, facilement reconnaissables avec notre préoccupation de passer inaperçus.
Arrivée à Bayonne où nous ont précédé Monsieur et Madame Cordier. Ils ont pris les choses en main pour nous permettre d’embarquer sur un navire.
Bayonne grouille de gens de tous côtés. Des boy-scouts règlent la circulation aux divers carrefours. |
|
| | L’attente commence, j’ai le temps d’écrire à mes parents. Nous formons spontanément une équipe. Cette attente est ponctuée d’espoir et d’inquiétude. Dans la soirée, le capitaine d’un cargo belge, le Léopold II d’Anvers accepte de nous embarquer. Il y a tractation car il ne veut embarquer que la moitié de notre groupe et il nous parle du sort réservé par les Français à ses "nationaux". Finalement tout le monde se retrouve groupé à bord. Le Bourgmestre d’Anvers, Camille Huysmans est là, accompagné de sa fille qui se charge de nous inscrire sur le livre de bord du cargo. Notre lieu de séjour se trouve dans la cale remplie jusqu’à la gueule de grains de maïs. Il nous faut éviter de nous trouver trop nombreux sur le pont, car des avions allemands risquent de surgir à l’horizon.
Avant de partir, j’ai vu des soldats français, armés de leurs fusils Lebel, rapatriés de Dunkerque via l’Angleterre et pressés d’en finir avec cette guerre. Je ne comprends pas.
Le bateau se détache du quai, je regarde la ville, le fleuve et enfin la cote basque et landaise qui est belle et claire sous le soleil rasant. La page est tournée
Le 24 juin au soir la terre se dessine au loin, semblant surgir des flots. Un bateau de guerre arborant les couleurs britannique s'approche. Échange de messages entre les deux navires. Un peu plus tard notre cargo jette l'ancre au milieu de nombreux bateaux. C'est Falmouth ou nous débarquons le 25 juin dans la matinée.
La veille nous avons trouvé sur notre route une chaloupe de sauvetage. A son bord, un homme avec la peau complètement noire, comme brûlée. Mais notre bateau a continué sa route. |
| | | |
|