En juillet 1940, le 1er Escadron de Spahis fait mouvement sur l'Egypte. Là, par les voies les plus variées et souvent les plus périlleuses car la police de Vichy fait bonne garde, nombre de volontaires, Officiers, Sous-Officiers et Hommes de Troupe venus de tout le Moyen-Orient affluent pour grossir les rangs des Spahis.
Certains viennent des confins de la Turquie, entre le Tigre et l'Euphrate, tel ce Lieutenant qui commandera un jour le 1er Régiment de Marche des Spahis Marocains. D'autres sont obligés d'équiper en hâte un taxi à Alep pour gagner la Palestine à travers le désert en évitant avec précaution les postes et les carrefours importants tenus par des détachements d'alerte.
De l'île de Chypre même arrive un Sous-Lieutenant vétérinaire qui commandera plus tard (et avec quel brio) un Escadron d'Automitrailleuses dans les Campagnes de Libye, de Tunisie et d'Europe.
Hélas ! les petits détachements Français dissidents venant du Levant sont trop peu nombreux pour être autonomes. Ils sont donc rattachés à l'Armée du Nil et contraints de s'équiper à l'Anglaise. Cependant, pour maintenir dans l'uniforme britannique un élément spécifiquement français, le calot rouge, qui sera bientôt célèbre, est adopté. Ce n'est pas qu'une coiffure de parade, jamais en effet nos Spahis ne le porteront plus fièrement qu'au feu.
En octobre 1940 la Campagne d'Erythrée est ouverte. L'Escadron n'a pas reçu tout son armement car le pas sage de la Méditerranée est difficile aux convois anglais qui ravitaillent les troupes d'Egypte. La dotation en armes automatiques est insignifiante. Peu importe, il faut combattre.
En novembre, l'Escadron est au Soudan et au début de décembre il tient position en Erythrée, sur la frontière de l'Abyssinie. Il est rattaché à un Bataillon Marhate de la Division Hindoue. Il bivouaque sur les bords du Setit, affluent de l'Atbara, lui-même affluent du Nil Bleu. La rivière est infestée de crocodiles. La flore est luxuriante. La faune recèle tous les trésors auxquels on puisse rêver: reptiles, éléphants, lions, phacochères, cynocéphales, girafes, antilopes géantes, scorpions de toute taille et plutôt agressifs, etc... etc... La gent ailée est à la hauteur des circonstances. Nos chevaux, un moment inquiets, s'acclimatent rapidement à cette compagnie inhabituelle. Le climat est torride. En période de repos nos Spahis vivent pratique ment nus avec, en sautoir, leur arme individuelle dont ils ne se séparent jamais. Le terrain : une brousse hostile où la visibilité est réduite à néant. L'ennemi, composé en général d'indigènes encadrés par d'excellents Officiers coloniaux italiens, est très supérieur en nombre. Connaissant à fond le pays auquel il est parfaitement acclimaté, il est très mordant. Mais tout de suite les Spahis imposent leur ascendant par l'audace de leurs reconnaissances qui s'en foncent profondément en territoire adverse.
Le début de l'année 1941 sera marqué par des charges à cheval. Ce seront probablement les dernières de la Cavalerie Française.
Le 2 janvier le 1er Escadron de Spahis, toujours à cheval, doit reconnaître le plateau d'Umbrega. A travers les hautes herbes et les épineux l'un des pelotons de l'Escadron décèle un bivouac ennemi important cependant qu'un autre peloton, en action plus à l'ouest oblige les armes automatiques italiennes à se dévoiler. Au début de l'action, un Spahis européen a dû mettre pied à terre, son cheval ayant été très grièvement atteint d'une balle au ventre. Resté seul en lisière du campement ennemi il se tapit dans les hautes herbes et entreprend de desseller son cheval. Deux ennemis se présentent. Ils sont abattus à tour de rôle à coups de fusil. Un troisième bondit sur lui et le ceinture aux jambes. Arrachant de son fourreau la propre baïonnette du soldat érythréen, notre Spahi le poignarde d'une main vigoureuse et sûre au défaut de l'épaule. Un Officier italien, accouru sur les lieux, essaie d'intervenir. Devant l'attitude résolue de notre héros, il est contraint de fuir... C'est avec un calme qui force l'admiration de tous ses Camarades que notre Spahi rejoint, à pied, le gros de son Unité.
Vaincu, l'ennemi fuit en désordre. La poursuite est décidée. Le contact est pris à nouveau dans l'après-midi. D'un coup d'oeil rapide et sûr, le Capitaine embrasse la situation et donne ces ordres, brefs et précis : un solide bouchon fixe l'ennemi vers le Sud pendant que notre premier élément, effectuant un mouvement débordant de vaste amplitude, charge sabre au clair. Le combat est rude. Surpris, l'ennemi réagit du feu de ses grenades. Un Spahi est tué, touché à bout portant. Un nouveau combat au sabre s'engage. Devant ces forcenés qui mènent l'attaque comme de véritables diables, l'ennemi se débande, fuyant à travers la brousse haute et épaisse qui le masque. Il laisse sur le terrain de nombreux morts et blessés. L'Escadron n'a à déplorer que deux morts: un Spahi et un cheval.
Citons ici la conclusion tirée par le Commandant de l'Escadron à l'issue de ces combats : "Cette brève opération prouve que dans ce terrain couvert qui rend le tir difficile et facilite le corps à corps, la Cavalerie conserve toujours l'avantage de sa mobilité."
A quelques jours de là, le 18 janvier 1941, les Spahis poussent une reconnaissance sur Omager (nous sommes toujours en Erythrée Italienne) et prend le contact avec quelques "Askaris". Mais bientôt l'ennemi qui s'était camouflé au passage de nos éléments se dévoile partout. C'est l'encerclement. Pour se dégager, il faut encore charger. La réussite est totale. L'ennemi, composé d'un bataillon d'infanterie à pied et de deux Escadrons à cheval se fait encore enfoncer par nos quarante sabres.
En février, ce sont des raids profonds de harcèlement et, enfin, la poursuite de l'Italien en déroute jusqu'à sa capitulation, à quelques kilomètres seulement de Keren.
Le 31 mars 1941 le 1er Escadron de Spahis a l'insigne honneur de recevoir à Ponte-Mussolini la visite du Général de Gaulle. Trois Croix de la Libération sont annoncées.