Le 12 mars, la Colonne Volante reçoit ordre de rejoindre la force L à Ksar Rhibane. A partir de cette date elle restera aux ordres du Général Leclerc jusqu'à la fin des opérations en Tunisie et suivra plus tard son sort jusqu'à Berchtesgaden. Le 1e RMSM deviendra le régiment de reconnaissance de la 2e DB et la compagnie de chars Divry donnera naissance au 501e Régiment de Chars de Combat.
Le 15 mars, la Colonne Volante rejoint Ksar Rhibane. En cours de route le Général de Laminat vient nous voir et s'entretient avec nous du passé et de l'avenir. Il nous parle de l'état des esprits en AFN et des difficultés qu'il prévoit avant la réalisation de la fusion de toutes les forces françaises ayant repris les armes contre l'ennemi.
Cependant le GénéraI Montgomery prépare un nouveau "left hoock" (crochet du gauche). La 2e Division Néo-Zélandaise et la 8e Brigade Blindée se massent entre le Grand Erg oriental et les contre forts du Djebel Matmata, un peu au sud de Ksar Rhibane. La force L..., doit préparer le débouché des Néo-Zélandais en s'emparant de la colline d'EI Outid qui domine un oued particulièrement difficile à franchir. Il faut aménager des passages pour permettre la circulation de quelque cinq mille véhicules qui vont être engagés.
Toute la Colonne Volante participe à cette opération. Elle est appuyée par des éléments de la force L. Les unités franchissent le ravin dans la nuit, après que les sapeurs eurent déminé le lit de l'oued. La colline est largement débordée par l'est et par l'ouest. Un léger accrochage se produit vers six heures du matin avec un élément blindé ennemi venant de la direction de Bir Soltan. A sept heures El Outid est occupé par les chars de la compagnie Divry, ceux-ci sont bientôt relevés par l'infanterie de la force L.
Les seules pertes que nous avons à déplorer sont celles du Lieutenant C... et de trois spahis de l'atelier du 1er RMSM. Une AM s'étant trompée d'itinéraire dans l'obscurité a sauté sur une mine. Le Lieutenant C..., chef du Service Auto du régiment, voulant remettre le plus rapidement possible le véhicule en état, partit dans la nuit pour le reconnaître. Une mine "S" explosa, le tuant net ainsi que les trois spahis qui l'accompagnaient.
Le surlendemain, 20 mars, le 1er RMSM les enterre au pied d'El Outid. Une messe est dite par le Révérend Père Finet, aumônier de la Colonne Volante. Tous les spahis sont présents et très nombreux communient en cette veille de nouveaux combats.
En effet, c'est ce jour même que le Général Freyberg, commandant le Corps d'Armée Néo-Zélandais, lance son attaque en vue de déborder par l'Ouest la position de Mreth. Quelques minutes à peine après la fin de la cérémonie, les premiers chars Néo-Zélandais passent près de nous. Le Général Freyberg est assis sur l'avant du char de tête. En passant, il nous adresse des gestes amicaux.
La force L a pour mission initiale de couvrir le flanc Est du Corps d'Armée Néo-Zélandais en barrant les pistes du massif des Matmatas qui descendent vers l'Ouest. La Colonne Volante est chargée de celle qui relie Beni-Kredache à Bir Soltan.
L'attaque menée par le XXXe Corps d'Armée, le long du littoral échoue. Partout ailleurs la VIIIe Armée marque des points. La 4e Division Indienne pénètre dans les massif des Matmatas et le commandant d'un bataillon Gourkhas envoie ce compte rendu resté célère dans la VIIIe Armée "Objectif atteint - stop - Pertes ennemies : trente tués, cinquante prisonniers - stop - Nos pertes : néant - stop - munitions dépensées : néant - Fin". L'attaque a été faite au couteau.
La menace qui aurait pu s'exercer sur le flanc droit du Corps Néo-Zélandais disparaît. Tout le dispositif se reporte vers le Nord, mais sa tête est arrêtée par le large fossé antichars qui barre la plaine entre le Djebel Tebaca au Nord et le Djebel Melab au Sud et interdit toute progression blindée vers El Hamma et Gabès. Le Général Leclerc s'empare, avec l'infanterie de la Force L de la position du Djebel Melab et permet ainsi de déborder l'obstacle qui s'oppose à la progression.
Le Général Montgomery renforce le Corps Néo-Zélandais en lui envoyant les 1re et 7e Divisions Blindées et une bataille confuse de chars s'engage entre ces deux divisions et les 15. et 21 e Panzers. Pour la première fois dans l'histoire des opérations au désert, la RAF participe directement au combat en attaquant les chars allemands sur le champ de bataille même. La Colonne Volante assiste de loin à ces engagements car elle a toujours pour mission de couvrir le flanc est des Alliés.
Quelques mouvements suspects de camions sont observés sur notre droite et un Conus-Gun ouvre le tir en mettant en feu un des camions Néo-Zélandais et comble de malheur c'est le camion popote d'une des brigades qui a été touché. Des Néo-Zélandais viennent examiner de près l'engin qui a cause cette perte et admirer la précision du tir exécuté à plus de huit cents mètres. Faisant preuve d'esprit sportif bien britannique, ils reconnaissent que l'incident est dû à une erreur d'itinéraire de leur part et sont tout prêts à arroser l'événement. Hélas, la réserve de whisky se trouvait précisément dans le camion qui flambe. On se quitte néanmoins bons amis.
Par les pistes défoncées, au milieu de carcasses de chars brûlés, la Force L et la Colonne Volante progressent vers l'est. Elles bivouaquent dans la nuit du 28 au 29 mars près de Quattana et nous apprenons là, la prise de Gahès où nous devons stationner pendant quelques jours en attendant le regroupement de la VIIIe Armée, avant l'attaque de la position de l'oued Akarit. Le franchissement de l'étroit goulot qui s'étend entre la mer et le chott El Fedjedj livrera à la VIIIe Armée l'accès de la Tunisie centrale et nous permettra enfin de réaliser la jonction avec les forces franco-anglo-américaines qui viennent d'Algérie.