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Carnets de route d'un Croisé de la France Libre de Raymond Dronne "... Chez les sous-officiers, techniciens, hommes de troupe européens, il y avait de tout, comme chez les officiers : vieux soldats coloniaux, engagés du Cameroun et des territoires voisins, volontaires arrivés d'Angleterre. Ces gens si divers, de toutes origines, de tous les milieux sociaux, étaient soudés par une volonté commune, celle de refuser la défaite et de continuer la lutte. Quelques-uns d'entre-eux émergent de mes souvenances : Mortel, agent à la Banque commerciale africaine de Douala, engagé à la Légion du Cameroun, volontaire pour le BM 5, qui était arrivé au camp avec le détachement précurseur et qui s'est efforcé, avec de maigres résultats, de ramener le Père de Fraguier sur terre ; Marty, le barbu, un homme courageux, intelligent, actif, débrouillard, qui a fait une très belle guerre et qui a terminé sa carrière comme capitaine à la 2e DB ; et enfin, Storace.
Storace : un cas, déjà évoqué dans ces souvenirs. Administratif et comptable, compétent, consciencieux, précieux, il lui arrivait de temps en temps de prendre une cuite mémorable. Le docteur Chauderon m'a rappelé la plus sensationnelle : à Maroua, un jour de décembre 1941, à la fin d'un dégagement à la popote des sous-officiers, mon Storace, bien imbibé, se mit en tête de faire profiter de la fête un de ses camarades détaché quelque part dans un poste isolé de la montagne kirdie, du côté de Mokolo. Il prit une bouteille de whisky, « emprunta » un véhicule de l'unité et se lança gaillardement sur la piste montagnarde. L'alerte donnée, une patrouille motorisée partit à ses trousses, rattrapa la voiture fugueuse : une panne salvatrice d'essence l'avait stoppée au bord d'un ravin avec une roue à demi dans le vide. Storace, profondément endormi sur le bas-côté, ronflait en serrant avec amour sa bouteille de whisky sur sa poitrine. Ce qui prouve qu'il existe un saint protecteur pour les hommes de bonne volonté trop assoiffés.
Il ne faudrait pas croire, à l'évocation de frasques de ce genre, que nos unités étaient indisciplinées. Au contraire, la discipline était stricte. Une équipée comme celle de Storace prête à rire. Elle a valu à son héros une belle brochette d'arrêts de rigueur. Dans l'ambiance où nous vivions, il fallait des dérivatifs.
Storace fit la campagne du Fezzan, de Tunisie, puis celle de France et l'Allemagne. Il termina sa carrière en Indochine. Officier de détails dans mon bataillon, il fut gravement blessé dans une embuscade pendant la « drôle de paix » tonkinoise de l'été 1946. Il ne devait jamais s'en remettre et mourut rapidement. ..." Laurent Laloup le dimanche 14 septembre 2008 Contribution au livre ouvert de Eugène Florent Paul Mortel Montrée dans le livre ouvert de 2 Roger Charles Storace | |