Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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En méthode d’analyse historique, il est souhaitable de distinguer les témoignages et documents émis au moment des faits, d’un côté, et ceux longtemps après coup, d’un autre côté. Les seconds alimentent trop souvent les extrapolations hasardeuses. Dans les cas ici débattus, les témoignages de Paul Paillole et d’André Dewavrin (Passy) datent respectivement de 1994 et 1992. Celui de Robert Terres de 1977. En les confrontant aux archives proprement dites, on remarque certes des concordances mais aussi de profondes divergences, voire des contradictions.

Pour éviter les confusions, on gagne aussi à aborder séparément les 2 branches du réseau JADE.

Tous les témoins ayant appartenu à la branche FITZROY confirment le rôle éminent joué par Claude Lamirault. Dès la Libération, deux ou trois ont émis l’hypothèse gratuite qu’il aurait trahi après son arrestation de décembre 1943. C’est ainsi qu’une rumeur s’est propagée, selon laquelle son accident, une quinzaine de jours après son retour de déportation, aurait été provoqué par vengeance. Sa voiture aurait été sabotée. Le procès-verbal de gendarmerie dit autre chose, confirmation étant apportée par Denise Rousselot, épouse de Lamirault qui était présente dans le véhicule, ainsi qu’un de ses enfants (tous deux en ont réchappé). Cette rumeur a perduré jusqu’à maintenant. La découverte de ce PV des plus officiels y met un terme. On ne peut que s’en réjouir.
On remarquera que Robert Terres se fait l’écho de cet accident dans son livre « Double jeu pour la France » consacré à sa propre histoire de trahison (il a été arrêté et s’est mis au service de l’ennemi). Il prétend que Lamirault s’est tué sur la route de Calais alors qu’il voulait aller à Londres afin d’y chercher de documents mettant en cause Arnould. « Nous aurions tenu là des preuves accablantes si Damiron [lire Lamirault – Terres emploie des pseudonymes pour désigner ses personnages] ne s’était tué sur la route de Calais. » (Note 1, p. 86) Très étrangement, il prétend avoir eu avant cet accident des confidences de Lamirault en personne. L’inconvénient – il est de taille – est que l’accident est survenu dans le Loir-et-Cher le 27 mai 1945. La géographie est implacable : en partant de Paris, on tourne résolument le dos à Calais, on n’y va pas !

Je cite le rapport de gendarmerie : « L’accident s’est produit sur la route nationale N° 20, au point kilométrique II.950, à 2km 500 sortie Sud de Lamotte-Beuvron, au lieu-dit ‘La Guide’, territoire de la commune de Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher). Une voiture automobile, marque Citroën, traction avant 11 chevaux, conduite à gauche, immatriculée sous le numéro 2905 RN 5, est écrasée contre un arbre, côté droit, direction de Nouan-le-Fuzelier. L’avant de la voiture est en direction de Lamotte-Beuvron. »

Cela signifie qu’en 1977 Terres raconte n’importe quoi. Lamirault se rendait non pas à Londres chercher des documents, mais du côté de Châteauroux où il voulait rencontrer son ancien adjoint André Plateaux, à la fois pour l’interroger sur son attitude au printemps 1944 et pour établir les formulaires de liquidation d’un groupe ayant appartenu au réseau dans l’Indre. Quand une erreur est aussi grossière dans le récit de Terres, présenté comme un modèle de véracité, mieux vaut rester très circonspect.

André Dewavrin (Passy), chef de la DGER à l’époque confirme le résumé ci-dessus dans une lettre du 5 septembre 1945 où il demande qu’une pension soit calculée au profit de Denise Rousselot : « L’accident mortel ne s’étant produit à l’occasion de l’activité clandestine ou du retour de captivité de cet officier, mais au cours de la liquidation de la situation administrative des agents du réseau, il vous appartient de constituer le dossier de pension au profit de Madame veuve Lamirault » (référence de cette lettre : 11.2/HP/DH/571/5236)

Tous les témoins de la branche AMICOL confirment également le rôle éminent joué par Claude Arnould, en duo avec Philip Keun. Les archives sont très claires, tant anglaises que françaises. Y compris celles concernant Maurice Travers. L’ouvrage de celui-ci date de décembre 1987 et dénote une amertume contre l’armée en général et les services secrets en particulier. Dans sa préface, il parle de lui à la troisième personne : « Malgré des offres séduisantes, il quitte les services secrets dès la fin des hostilités et demande à réintégrer son arme d’origine où malheureusement il retrouve la même pagaille qui celle qui sévissait au cours de l’hiver 39-40. Finalement, déçu par cette ambiance, il démissionne et entre dans l’industrie au début de 1947. » À l’évidence, quand il se livre à son périlleux exercice de mémoire en 1987, son humeur n’est pas à l’enthousiasme, ni envers Arnould ni envers tous ses camarades d’autrefois. Faut-il ajouter que Travers a été recruté dans AMICOL par un ex-condisciple de Saint-Cyr, Michel Flamant (alias Bertrand) ? Or celui-ci n’a jamais démenti le rôle d’Arnould. Bien au contraire, il lui a conservé sa confiance après la guerre, au point de le solliciter en 1947 pour qu’il soit le parrain de l’une de ses nièces. Flamant fut un adjoint direct d’Arnould, il faisait la liaison entre Paris et Lyon, tandis que Travers opérait en sous-ordre à Lyon.

En consultant attentivement les dossiers impliquant conjointement Dewavrin (Passy), Paillole et Arnould, il apparaît que
1°) Dewavrin-Passy explique dans une lettre à Florence Mothe, en date du 18 février 1994, comment il a rencontré Arnould : « J’ai rencontré Arnould en 1945 à Paris (et jamais à Londres). Il n’a, à ma connaissance, jamais appartenu au MI6. »
2°) L’expression « à ma connaissance » est à relever. Il serait fautif de l’escamoter. Passy émet une opinion personnelle qui est démentie à la fois par la consultation des archives, les très nombreux témoignages des agents ayant travaillé sous les ordres d’Arnould et de Keun, et les documents britanniques. Irrévocablement.
3°) Paillole n’a jamais été chef des Services spéciaux au moment de la Libération. Il était seulement directeur de la sécurité militaire (DSM), avec le grade de commandant. Il démissionne d’ailleurs le 23 novembre 1944. C’est bien pourquoi, le 30 octobre 1992, il écrit à Florence mothe : « Je n’ai malheureusement aucune information particulière sur ses activités, notamment au sein de l’Armée et je crains fort de ne pouvoir vous aider dans vos recherches sur le passé de cet individu. »
4°) Le même Paillole écrit le 16 janvier 1995 à Maurice Travers qu’il ne se rappelle plus comment fonctionnait Bernard d’Hoffelize, capitaine responsable de l’antenne TR 117 de Toulouse entre 1940 et 1942 : « Je ne me souviens pas des détails de ses activités, ni du nom de ses collaborateurs et agents. Il est très possible qu’il ait utilisé les services d’Arnould (qui n’était pas plus colonel que moi pape). » Même lettre, un peu plus loin : « Je ne sais pas si Arnould travaillait pour d’Hoffelize et encore moins à quelle date il ne l’a plus fait. Je ne sais rien de plus sur l’activité de ce personnage. » Il affirme par ailleurs ne pas connaître Philippe Keun, non plus.
5°) L’homologation d’Arnould au grade de lieutenant-colonel date du 17 septembre 1948, pour avoir exercé pendant la guerre les fonctions de Chef de Mission de 1ère classe. Signée du lieutenant-Colonel Jacques Le Belin de Dionne, Chef du bureau des Forces Françaises combattantes de l’intérieur, elle est confirmée telle quelle le 25 novembre 1953 par le lieutenant-colonel Georges Canonne, chef du 6e Bureau, puis le 8 mars 1993 par René Hascoet, sous-directeur du Ministère de la Défense.
Quid plura ? Paillole n’était pas pape, Arnould fut bien homologué au grade de lieutenant-colonel. Quiconque connaît les usages de l’armée sait qu’on appelle « mon colonel » l’officier possèdant ce grade (on laisse lieutenant dans le silence).

KERVELLA André le lundi 15 mars 2021

Contribution au livre ouvert de Claude Maurice Jean Lamirault

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