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Mémoire d'un agent secret de la France libre. Tome III de Rémy " Tout espoir d'entrer en relation avec l'O.C.M. par l'entremise de Jeff semble maintenant perdu. Hugo Bleicher, de l'A'bwehrleitstelle II, devait déclarer plus tard, lors de son interrogatoire : « Tilden connaissait une autre femme qui faisait partie de l'organisation de résistance O.C.M. et il essaya par l'intermédiaire de celle-ci d'être admis dans cette organisation. Il se trouva cependant devant une résistance impénétrable. Le Funkab-wehr n'avait pas confiance en Tilden. Il insista pour qu'il soit arrêté ». Mais, avant de passer à cette mesure, on peut encore utiliser Tilden pour se saisir de Colette, alias Christian Roehrich, et de Guyomarc'h, alias Georges Camenen, dont l'Abwehr connaît l'existence et le rôle, mais qui, jusqu'ici, ont échappé à ses recherches. En réponse aux messages qui nous ont été adressés à Londres par Tilden, sous l'œil de Masuy, nous avons essayé de faire croire que nos deux camarades étaient passés en Espagne. Mais les Allemands n'ont pas manqué de constater que le ton de nos télégrammes se faisait réticent. « Londres ne prend pas l'appât », allait dire Bleicher. L'Abwehr estime qu'il s'agit probablement d'une ruse de notre part, d'autant que ses services d'écoute lui ont signalé que l'émetteur de Guyomarc'h — dont Tilden connaît l'indicatif et les fréquences, continue de fonctionner en Bretagne. Il s'agit de mettre la main sur Colette et sur Guyomarc'h le plus tôt possible. Or un avion ne peut plus être demandé que par ce dernier.
Si Londres décide d'envoyer cet avion, il est probable que l'opération d'atterrissage sera dirigée par Dutertre
et que l'appareil transportera un ou deux passagers. L'affaire peut donc être fructueuse.
Mais voilà : Jeff ne marche pas. Dès ce moment, son destin est fixé.
Notre amie a très bien compris la gravité du danger qui plane désormais sur elle. Cependant, elle ne quitte pas son appartement de la rue du Général-Largeau. Il y a son fils François, que l'ennemi tient en son pouvoir. Il y a aussi la nécessité de mettre en garde Colette et Guyomarc'h. Sa fuite risquerait de tout compromettre. Elle ne bougera pas.
Colette est joint à temps, par des moyens détournés. Dès le 29, il nous envoie, via l'émetteur de Guyomarc'h, une dizaine de messages. Celui qui porte le n° 36 est ainsi rédigé :
DE DOROTHEE SUJET TILDEN STOP TILDEN AGENT DOUBLE QUI NOUS A VENDUS DEPUIS DEUX MOIS STOP LES ALLEMANDS SE SERVENT DE SON CODE STOP CONTINUEZ A LUI ENVOYER MESSAGES SANS SIGNIFICATION STOP ACTUELLEMENT GUYOMARCH DUTERTRE ET MOI SOMMES RECHERCHES STOP VOUS PRIONS LUI ENVOYER MESSAGE DISANT QUE COLETTE ET GUYOMARCH SONT ARRIVES EN ANGLETERRE POUR TROMPER RECHERCHES.
Nous envoyons donc à Tilden dans son code un télégramme qui l'avise que Colette et Guyomarc'h sont maintenant en sûreté. Par la même occasion, nous lui disons que Dutertre a franchi la frontière espagnole. Cet envoi se croise avec un nouveau message de Tilden :
ATTENDS INSTRUCTIONS CONCERNANT MON TRAVAIL STOP O.C.M. EN VEILLEUSE SUITE ARRESTATION DUFORT ET CENTRALE ALEX STOP AVEZ-VOUS FAIT NECESSAIRE POUR ARGENT STOP SUIS EN SITUATION TRES DIFFICILE BON MORAL COMPTE SUR VOUS POUR ME TIRER D'AFFAIRE — SIMON.
« Simon » est un indicatif, dit de sécurité, par lequel Tilden nous indique qu'il est libre de ses mouvements. Son emploi prouve donc que le malheureux joue jusqu'au bout le rôle que l'ennemi lui impose. Nous ignorons qui est ce « Dufort » dont il parle. Mais nous savons que son information sur la situation de l'O.C.M. est fausse." Laurent Laloup le dimanche 28 septembre 2008 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |