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André Casalis : " Cadets de la France Libre - Louis Le Roux 1923-1951" " Le carnet où il rapporte les petits faits de son existence quotidienne au cours de l'été 1942, s'interrompt le 16 octobre. Les Américains débarquent trois semaines plus tard, le 8 novembre. On peut se demander si ce document, où il décrit de très nombreux déplacements quotidiens, donnant l'impression d'une période de vacances perpétuelles entrecoupée de quelques activités à caractère professionnel, n'est pas, en fait, un instrument de « couverture » pour le cas où il serait arrêté. Il semble ne jamais coucher au même endroit, être constamment en déplacement dans un rayon assez limité d'ailleurs, rencontrer fréquemment presque les mêmes personnes, sans que les motifs de ces trajets et de ces rencontres soient bien clairs. On ne peut s'empêcher de penser à des activités de résistance et la fréquence des baignades à une époque peu propice évoque irrésistiblement un travail de reconnaissance des côtes.
On sait qu'il fait la connaissance d'une demoiselle Brunet, fille d'un pasteur réformé. Il semble bien que cette personne, qu'il reverra dix ans plus lard, a une grande influence sur lui sans pour autant qu'ils deviennent intimes. Il est même probable qu'elle l'a introduit dans les milieux de la Résistance locale où l'esprit d'initiative et les qualités personnelles de Guy font merveille. Il entre dans le réseau oranais du consul Knight. Son action sera d'ailleurs reconnue par les autorités militaires puisque, bien que civil, il recevra plus tard une brillante citation. En voici le texte :
« Jeune évadé de France en 1940, assura avec un courage extraordinaire les missions de renseignements les plus risquées le long des côtes nord-africaines. Effectua avec un plein succès dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942 plusieurs missions de liaison à travers les lignes. » Citation à l'ordre du Corps d'Armée (19 septembre 1945).
Ces « reconnaissances » suggèrent que l'un des objectifs de son organisation était de préparer le débarquement allié. Au moment de l'opération elle-même, Guy a été envoyé à plusieurs reprises à travers « les lignes » - ce ne semble pas être tout à fait le mot qui convient d'ailleurs - pour renseigner le commandement des troupes anglo-saxonnes, voire les guider, grâce à sa connaissance du terrain et de la langue anglaise.
L'exemple de la famille Brunet exerce sans doute sur lui une forte influence. On sait, par ses propres notes qu'il fréquente un milieu réformé.
« Mme Vincent! nous a lu un chapitre de la Bible. Acheté opuscule philosophie. »
II a plusieurs discussions avec cette dame qu'il rencontre à de nombreuses reprises. On sait en outre que Guy s'est converti avant de quitter l'Algérie. Son « Pay Book » en effet, porte la mention « Protestant ». Voilà qui est singulier et remarquable, en plein conflit! Il appartiendra à cette communauté, une fois de retour en France, puisque l'on trouve l'adresse de l'Aumônerie générale protestante à Paris dans son carnet d'adresses, ainsi que celui d'Emilie Brunet avec qui il est donc resté en contact.
Il est temps de dire un mot de sa personnalité. Legendre est un athlète, pas très grand peut-être, 1,78 mètre, mais extrêmement vigoureux, bien découplé et physiquement harmonieux. Son regard clair, la classique ordonnance de son visage, son menton rond et prononcé annoncent tout à la fois une forte volonté et une grande aménité. Le visage est carré, le front grand et dégagé et les oreilles un peu décollées ajoutent à l'expression de force que donne son regard clair et direct. Il respire la confiance en lui-même, sans timidité aucune et ses traits contribuent à lui donner une attitude positive et généreuse qui attire immédiatement la sympathie. Ouvert, s'exprimant volontiers, d'une grande droiture, il ne semble pas avoir nourri de ces inquiétudes intérieures qui viennent parfois assombrir le comportement des meilleurs. Il sera populaire à l'École des Cadets où sa compagnie sera recherchée, ce ne sont pas ses amis Yves Cantin et Aloïse Schiltz qui diront le contraire. Peu rancunier, compréhensif il rendra souvent visite dans Paris reconquis, à d'anciens camarades qui, eux, sont restés en France. Aucunement sectaire il n'aurait certainement pas été homme à nourrir, cinquante ans après, des sentiments d'exclusion absolus à l'égard de tous ceux qui n'auraient pas été de son avis ou qui n'auraient pas suivi ce que certains considèrent encore aujourd'hui comme le seul chemin acceptable : celui d'une France Libre pure, exclusive et dure, conférant un brevet d'honorabilité définitif quoi qu'on ait pu y faire, ou ne pas y faire.
Il quitte l'Algérie en janvier 1943, via Gibraltar où il contracte un engagement le 22. Un rapide convoi vers la terre promise, la Grande-Bretagne et après plus de deux ans d'errance et d'espoir, il se retrouve à Camberley. La compagnie des services généraux l'y accueille avec l'enthousiasme propre à ce camp dont la réputation de tristesse est bien connue. Il est interrogé par les Britanniques, comme tout le monde à l'arrivée et a l'occasion de mentionner ses activités lors du débarquement américain en Algérie. Ceci et sa belle stature lui valent d'être désigné pour suivre les cours de l'École des Cadets où il arrive à temps pour entamer le cycle préparatoire de six mois de la dernière promotion. Si tout va bien, il obtiendra son premier galon au milieu de l'année suivante.
Il trouve l'École des Cadets un peu submergée par le soudain afflux de nouveaux élèves. Trois promotions sont déjà sorties entre juin 1942 et juin 1943, date à laquelle il arrive à Bewdley où elle fonctionne depuis un an. Entre les élèves officiers de la future promotion « Corse et Savoie » de décembre 1943 et la masse des volontaires qui arrivent de tous les confins du monde libre et de la France, ce sont deux cents Cadets qui sont lâchés sur les villes voisines les soirs de permission." Laurent le dimanche 05 juillet 2009 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |