|
Joseph Antoine Canale - son Livre ouvert ! Grièvement blessé le 8 juin à Bir Hakeim à la 2e Batterie Son camarade Pierre Simonet :
"Le 8 juin 1942. L'observatoire avancé est situé en dehors du champ de mines qui entoure la position. Une petite ceinture de mines nous sépare du reste du désert et des troupes d'assaut allemandes prêtes à l'attaque.
Les deux abris à ciel ouvert que nous avons creusés sont larges. Dans l'un se trouve le camion radio servi par Grégoire et Canale. L'autre est occupé par Chavanac notre capitaine, le camarade Rolle et moi-même, téléphoniste. Un canon de 75 antichar préposé à notre défense est à cent pas sur la droite.
Accompagnant le lever de soleil, une brume épaisse s'installe et couvre tout. Le bruit de chars allemands manœuvrant en approche fait vibrer nos tympans en résonance.
Bientôt la brume se déchire. Avec nos binoculaires, nous observons le « spectacle » et communiquons au PC les premières données par téléphone. La liaison ne dure pas deux minutes. Nous voyons certes, mais nous sommes vus. Un obus antichar allemand tiré rasant percute le parapet et déchiquette les fils téléphoniques qui en partent.
Puis un deuxième obus arrive sur le camion radio, détruisant les installations. Canale crie « Mon Capitaine, je suis blessé ». Impossible pour lui et Grégoire de courir sur les dix mètres qui nous séparent sans se faire descendre. Je regarde à la binoculaire et n'ai pas le temps de mettre au point qu'un obus encoche le parapet à 10 cm de l'objectif.
Ces obus à grande vélocité sont agaçants au possible car on entend l'impact avant le claquement du coup de départ : on dirait une bouteille de Champagne que l'on débouche, mais Dieu que ça pète sec, aucune résonance harmonieuse, juste le bruit, un centième de seconde, pas d'harmoniques. En tant que mélomane, je suis offusqué. Je préfère les noirs bémols des bombes qui chutent en quart de tons de cithare indienne. Mais je déteste autant les croches acérées des éclats qui déchirent.
Notre 75 antichar commence à tirer, mais il est immédiatement repéré. Un projectile le touche de plein fouet, disloquant le canon et tuant quatre des servants sur cinq.
Peu après, un court répit nous vient du ciel. Je vois un Hurricane descendre lentement en léger piqué comme à l'exercice, tirer quatre coups de canon bien ajustés et virer, mission accomplie : le char qui nous agressait, touché à mort, s'enflamme.
Grégoire et Canale en profitent pour nous rejoindre. Canale a le bras salement perforé. Nous retendons au mieux. Commence alors la longue attente, cloués dans notre trou sous le soleil brûlant, coupés de communications.
Le silence s'installe dans la tranchée. À la tombée de la nuit, le bruit des combats se calme. Albert, le roi Albert, notre bon capitaine, estime qu'il est possible de regagner le camp retranché. Il sort alors la bouteille de bière qu'il avait gardée toute la journée.
Nous n'avions pas bu depuis le matin, sauf Canale qui eut droit à la seule gourde disponible. Cette bière, je ne l'ai jamais oubliée".
Extrait de Bir Hakeim l'Authion
Son Capitaine Albert Chavanac :
"8 juin. 11h45 : 2e batterie. Signale tous les pointeurs blessés.
Il est impossible de raconter tous les actes individuels qui sont pourtant des exemples magnifiques de courage tranquille pour ne pas dire plus : le motocycliste qui vient en pleine vue de l’ennemi, sur un terrain balayé par les obus, remettre un message urgent ; le pointeur, calme comme à l’exercice, qui règle sa pièce à vue sur le char qui progresse ; le chef de pièce imperturbable qui, sans hâte, attend le moment propice pour commander le feu ; le cuisinier qui finit rapidement sa distribution pour aller aider les servants de pièce.
On reste confondu par l’énergie dont firent preuve des hommes comme l’aspirant Théodore et le brigadier-chef Canale.
Le 8 juin au matin, Canale est à son poste radio à l’observatoire situé en avant de l’infanterie, un obus antichar traverse sa voiture et lui arrache presque complètement le bras. Il doit rester toute la journée, sans eau, sans vivres, sans soins, tapi dans une tranchée peu profonde, sous un bombardement et un mitraillage incessants, car l’observatoire est encerclé. Le soir, il fait près de 2 kilomètres par ses propres moyens pour arriver au poste de secours.
Dans la même journée, sur une position de batterie, l’aspirant Théodore est atteint par un fusant. Dans la nuit du 8 au 9, Canale et Théodore sont amputés, l’un d’un bras, l’autre d’une jambe au ras de la hanche. Dans la nuit du 10 au 11, c’est la sortie, ils sont placés dans un camion. En traversant le champ de mines, le camion atteint par un projectile est immobilisé et commence à prendre feu. Théodore, se traînant comme il peut, quitte le camion et pense encore à aider Canale à en faire autant et à monter dans un autre véhicule"
Extrait de la Revue de la France Libre, n°9, juin 1948 Roumeguère le jeudi 07 juin 2018 - Demander un contact Recherche sur cette contribution | |