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Paul GUILLAUME - AU TEMPS DE L’HÉROÏSME ET DE LA TRAHISON
" De retour au rez-de-chaussée de la gestapo, Fontana retrouva tous les chefs de Vengeance, arrêtés chez Claude Lerude grâce à une trahison.
Les Allemands ne désarmèrent pas et firent subir à l’adjudant Fontana quatre interrogatoires dans les jours suivants, en corsant les séances, deux fois par le supplice de la baignoire, et surtout par une épreuve bien plus pénible. Un bâton est passé sous les genoux du patient, et les jambes repliées sur les cuisses sont ficelées, l’obligeant à une position accroupie, l’avant-bras et le bras replié également et maintenus par un bâton passé sous les coudes, et les poignets attachés l’un à l’autre. L’adjudant Fontana était en boule dans une position instable, de sorte que lorsqu’il recevait un coup dans le dos, il retombait la figure contre le sol. Il est sorti de ces épreuves contusionné et ankylosé, absolument incapable de faire le moindre mouvement, même pour porter la cuiller à sa bouche. Son camarade de cellule, Yves Changeux, le fit manger, l’habilla, le transporta sur le seau hygiénique ; c’est grâce à cette fraternelle assistance qu’il a pu tenir tête à ses tortionnaires et prendre pour lui toutes les responsabilités. Grâce à son cran, les trois pompiers, arrêtés chez lui, ont été relâchés quelques jours plus tard, ainsi que sa femme, et définitivement mis hors de cause, tandis qu’il prenait le chemin de la déportation. Grâce à Dieu, il en est revenu, et a repris son poste avec l’estime et l’affectueuse amitié de ses sapeurs-pompiers.
En fin de journée le lieutenant Guyot, ignorant l’arrestation des pompiers, va chez Fontana pour le prévenir des événements. Il est 18 heures, quand il sonne ; le brouillard commence à tomber ; une voix inconnue lui répond de l’intérieur : « Voilà ! Voilà ! » et brusquement la porte s’ouvre. Un grand type en imperméable tire la porte qu’il maintient avec son coude, et porte dans la main gauche un parabellum qu’il arme. Guyot, avec une présence d’esprit qui l’a sauvé, lui lance un coup de pied et part dans la brume en courant, pendant que l’Allemand crie tant qu’il peut... Son revolver ne devait pas être chargé ; car il n’a pas tiré. Guyot détale rue Jeanne-d’Arc, puis rue Saint-Éloi, arrive rue Bourgogne, avec l’impression désagréable qu’il est poursuivi... par un petit roquet qui aboie derrière lui ; un coup de pied bien appliqué fait taire son « suiveur », et il retrouve chez Mlle Lécuyer, avec une émotion que l’on s’explique facilement, sa femme et Bernard Cognet.
À 9 heures du soir, les rescapés se rencontrèrent venelle de la Suifferie, dans une maison amie du quartier des Murlins. À cette réunion assistèrent, avec M. et Mme Pornin, les propriétaires du logis, le lieutenant Guyot et sa femme, M. et Mme René Faucheux ; il fut décidé que les agents P2 quitteraient Orléans le plus vite possible, afin de les soustraire au risque d’arrestation.
M. René Faucheux prit rendez-vous avec le lieutenant Guyot pour le 25 janvier, dans un café proche de la gare Montparnasse, afin de le tenir au courant des événements qui surviendraient à Orléans pendant la semaine ; mais les circonstances ne permirent pas cette rencontre, et le lieutenant Guyot fit annuler ce rendez-vous par l’agent de liaison Jacques Caumel.
Pendant les trois jours qui suivirent, le lieutenant Guyot fit partir les agents P2 : Yves Bonamy, Jean Freton, Michel Dumast ; il se rendit deux fois chez Delavacquerie, pour faire passer les dernières consignes à Soizeau-Saint-Martin et toucha, soit directement, soit indirectement, les camarades les plus menacés, afin de leur conseiller de se « mettre au vert » temporairement, Thénard, Adrien Guyot, Lalande, Solard, qui fut arrêté plus tard sur dénonciation d’André de Maindreville ; il fit ensuite proposer par Guichet à Jean Riou de prendre la direction de Vengeance dans le Loiret.
Quoique camouflé sous des vêtements d’emprunt et maquillé, il fut filé par les agents de la gestapo, et fut même sur le point d’être arrêté rue Bannier ; pendant qu’il causait devant une boulangerie avec un ami, il fut dépassé par un homme âgé, boitillant légèrement ; mais sa femme, qui le suivait à bicyclette pour veiller sur lui, vit l’individu suspect s’arrêter à distance du groupe, examiner une photo qu’il tenait à la main, puis regarder de nouveau avec insistance et enfin entrer dans un café, sans doute pour téléphoner à son service. Elle entra tranquillement dans la boulangerie, après lui avoir dit négligemment au passage : « Tu es filé ; pars. » Il sauta sur la bicyclette que sa femme avait posée le long du trottoir à cette intention, et partit à toute vitesse chez M. Hiquily, après s’être assuré qu’il n’était plus suivi.
Le jeudi 20 janvier, à 5 heures du matin, le lieutenant Guyot et sa femme gagnèrent à bicyclette la gare de Cercottes, où ils prirent un train omnibus en direction de Paris, sous l’œil courroucé d’un gendarme, qui les prit pour un couple d’amoureux en escapade ; ils échappèrent ainsi à l’arrestation, en évitant la gare d’Orléans, où la gestapo les attendait.
GR 16 P 486391 | PORNIN (Jean André) | 1913-09-10 | Fleury-les-Aubrais | Loiret | FRANCE | FFi
GR 16 P 217162 | FAUCHEUX (René) | 1898-01-03 | Orléans | Loiret | FRANCE | FFi
GR 16 P 112560 | CAUMEL (Jacques André Julien) | 1922-03-14 | Orléans | Loiret | FRANCE | FFc Laurent Laloup le vendredi 17 décembre 2021 - Demander un contact La page d'origine de cette contribution Recherche sur cette contribution | |