Contributions - Les Français Libres

Les Français Libres, de juin 1940 à juillet 1943

 
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"Docteur Georges Béchamp
Le docteur Béchamp est un être hors du commun, qui fut le compagnon de cellule de Pierre Boulle en Indochine. L'écrivain le décrit en détails dans son autobiographie Aux sources de la rivière Kwaï, en remontant bien avant leur rencontre:

"Il est temps, je crois, de présenter la grande figure du docteur Béchamp. Non, le docteur n'était pas un individu ordinaire. Petit-fils d'Antoine Béchamp, célèbre chimiste du dix-neuvième siècle, le docteur Georges Béchamp s'était retiré en Chine après la Première Guerre mondiale. Il dirigeait un hôpital à Tcheng-Tou, exerçant aussi les fonctions de consul de France. Ces occupations n'absorbaient qu'une petite partie de l'activité intellectuelle du docteur, qui était immense. Après avoir parcouru le monde pendant une partie de son existence, (quel pays n'avait-il pas traversé ? Quelle langue ne parlait-il pas ?) il avait trouvé dans la Chine un cadre convenable à la satisfaction de ses passions : le travail, l'étude désintéressée, la méditation, la recherche.
"Je ne crois pas qu'il ait existé une seule branche des connaissances humaines à laquelle il ne se fût un jour intéressé, aucune qu'il n'eût explorée, lui appliquant son esprit patient et méthodique, certes, mais extraordinairement pénétrant, mais avide de nouveauté et de découverte. Il n'était pas un savant au sens où on l'entend généralement (il possédait un caractère frondeur qui le poussait à s'écarter des sentiers battus, et il raillait les académies) mais, dans des domaines extrêmement divers, il avait acquis la compétence d'un spécialiste, sans perdre son originalité d'autodidacte. Il avait des connaissances profondes en physique et en mathématiques, ayant même écrit un traité sur ces sujets, qu'il se proposait de publier après la [Seconde guerre mondiale]. Ayant quitté l'Europe depuis longtemps, il gardait cependant le contact avec plusieurs personnalités scientifiques du monde occidental (le professeur Langevin, en particulier, je crois), échangeant avec elles une correspondance suivie, se tenant au courant des derniers développements des sciences, comparant sans cesse les tendances, les méthodes de différents pays (l'aspect humain des problèmes le passionnait autant que les problèmes eux-mêmes) ce que lui permettait sa parfaite maîtrise de l'anglais, de l'allemand, du russe et de bien d'autres langages.
"J'ai appris récemment qu'il connaissait le père Teilhard de Chardin et que celui-ci ne manquait jamais de lui rendre visite quand ses voyages l'amenaient aux environs de Tcheng-Tou. Cela ne m'a pas surpris et j'imagine assez bien ce que pouvait être la conversation entre ces deux esprits, tous deux épris de vérité, tous deux voués à la poursuite de lois universelles, à partir d'une étude patiente des phénomènes expérimentaux, tous deux également originaux, tous deux aussi sans doute, exilés volontaires, pour n'avoir pas trouvé en France une compréhension suffisamment encourageante parmi les cénacles ou les chapelles, que leur audacieuse intelligence déconcertait. Cela m'a procuré une profonde satisfaction d'apprendre que le père Teilhard et le docteur Béchamp avaient sympathisé, cela, malgré le peu d'estime que celui-ci accordait en général à certains ministres du culte catholique. Il faut le dire aussi. Ce serait, je crois, trahir la mémoire de cette personnalité aux aspects si divers que de dissimuler ce côté de son caractère et, en particulier, le peu de cas qu'il faisait des missionnaires. En fait, il les exécrait, les englobant dans une sorte de conspiration mondiale de l'hypocrisie (la seule attitude humaine, je crois, envers laquelle il pût éprouver de la haine) et il les tenait pour responsables de tous les maux dont soufrait la Chine. Mais le docteur, athée sans doute, pouvait se passionner à ses heures pour les choses de la religion, comme pour tout ce qui concerne l'humain ; au point même d'entamer en prison des discussions théologiques interminables avec un pasteur qui, à certaines époques, obtenait la permission de lui rendre visite ; au point que sa lecture favorite était la Bible, la Bible en hébreu, que celui-ci avait apportée (là, cependant, il avouait avec modestie qu'il était parfois obligé de se référer à la traduction qui était en regard, traduction grecque, bien entendu). Oui, le docteur Béchamp ne pouvait manquer d'être captivé par les théories du père Teilhard, et celui-ci était probablement mieux à même que quiconque d'apprécier la prodigieuse culture du docteur, son esprit cherchant toujours à se dégager de toute convention et sa manière particulière, souvent peu orthodoxe, d'aborder les problèmes.
"J'aurais tracé un portrait bien imparfait du docteur Béchamp en le montrant cantonné dans les théories abstraites et les sciences exactes. La technique l'intéressait tout autant que la science pure ; les arts, autant que les techniques. Il possédait à Tcheng-Tou un atelier personnel où il se livrait à des expériences ; expériences qui pouvaient s'étendre depuis des essais sur des postes de radio, jusqu'à des comparaisons faites sur le vif de certaines méthodes de taille des métaux, avec différents outils, sur différentes machines russes ou américaines. Quand je le vis pour la première fois, il me parla des plantations de caoutchouc d'une façon prouvant qu'il n'ignorait rien de l'hévéaculture. Il pouvait discuter de musique et de peinture avec n'importe quel critique d'art et d'économie politique avec le plus expert des spécialistes. Quant à sa connaissance des littératures françaises et étrangères, personne sans doute n'aurait pu rivaliser avec lui sur ce terrain.
"Une extraordinaire érudition, un esprit naturellement aiguisé et entraîné à toutes sortes de spéculations, toujours à l'affût d'une idée nouvelle dans tous les domaines, même le plus humble, même le plus trivial, ce n'était pas là les seules vertus de cette grande figure. Le docteur Béchamp faisait partie de ce petit groupe d'êtres aimés des Dieux […] qui ne marquent aucune hésitation dans les circonstances graves, qui prennent la bonne décision en quelques instant et qui ne dévient plus jamais d'une ligne dans leur attitude, quelles que soient les épreuves que ce choix leur réserve. Ce fut dès le mois de juin 1940 que le docteur répondit à l'Appel, transformant du jour au lendemain son consulat de Tcheng-Tou en consulat de la France Libre, s'engageant immédiatement à fond pour la cause qu'il avait jugée bonne, mettant à son service sa connaissance du monde, en particulier de la Chine et des Chinois, et aidant, presque toujours de ses propres deniers, plusieurs volontaires à gagner l'Angleterre."
Cependant, alors qu'il tente de rejoindre l'Indochine depuis Hong-Kong, son paquebot est accosté par des militaires et gendarmes : arrêté, le docteur Béchamp est condamné à 15 ans de travaux forcés et subit toutes sortes de déchéances. Dans sa cellule, en compagnie de Pierre Boulle, de William Labussière et de Richard, son état de santé ira de mal en pis. Son estomac en arrive à refuser toute nourriture, il reste au lit toute la journée et les syncopes se succèdent de plus en plus fréquemment. En avril 1942 il est hospitalisé, et transféré à l'hôpital de Saïgon en juillet (mais interné dans les locaux cellulaires de l'établissement). Mais rendons la parole à Pierre Boulle :

"Ce fut seulement en novembre 43, après de longues discussions entre l'administration pénitentiaire et l'administration médicale qu'il fut admis parmi les malades ordinaires de la troisième classe et soigné convenablement —en novembre 1943, c'est-à-dire un peu après le débarquement allié en Italie et la libération de la péninsule. C'était trop tard. Le docteur Béchamp mourut le 20 juillet 1944."
A lire : Aux sources de la rivière Kwaï de Pierre Boulle "

www.enroweb.com 

laurent le mercredi 02 septembre 2009

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