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Les compagnons de la longue marche, de Georges BOUVIER " Le 3e escadron est cantonné au Bois de Boulogne. Je retranscris ici ce que j'ai écrit dans la revue du R.C.F. pour le 40e anniversaire de la Libération.
Le soleil de mai éclairait la campagne du Yorkshire. Pierrot et moi terminions une partie de lawn tennis. Ce fut une partie mémorable ; nous n'avions pas touché de raquette depuis 1940, et nous nous trouvions dans le jardin de Mrs Higgins près de Hornsea où était cantonné le 1er régiment de marche de spahis marocains, notre régiment. L'été 1944 commençait.
Ce fut notre seule partie de tennis pendant les F.F.L. car Pierrot et moi étions depuis longtemps occupés à bien d'autres choses. Pierrot venu d'Egypte et moi de Chine, après bien des péripéties, l'Erythrée, la Syrie, la Libye, la Tunisie... Nous étions ensemble au 3e peloton du 3e escadron du 1er R.M.S.M. Le général Leclerc commandait la 2e D.B. rattachée à la IIIe Armée américaine du général Patton. Décidément le chiffre 3 me poursuit.
Nous avions 23 ans, nous étions jeunes et pleins d'espoir, nous allions débarquer en Europe... Mais où ? Le général Koenig venait de remettre son étendard au régiment, le général Leclerc avait dit quelques mots, et nous étions prêts.
Pierrot Mercinier est aussi brun que je suis blond et nous sommes ce qu'il est convenu d'appeler des Français de l'étranger, nés et élevés à l'étranger, d'éducation franco-anglaise. Le sport fait partie de notre vie, et nous étions loin de nous douter qu'il nous réunirait encore au Racing Club...
Dans son livre La France et son armée, le général de Gaulle écrivait : « L'arme blindée [...] faite de jeunes athlètes et de mécaniciens. » Pendant ces quatre années de campagne, toutes les nuits à la belle étoile, la vie au grand air, les patrouilles, jamais malades, quelquefois blessés... nous n'étions peut-être pas des mécaniciens mais certainement des athlètes et sûrement des idéalistes mystiques.
Et nous voilà maintenant en Normandie, Français Libres, dans une France libérée... La 2 D.B. fonce sur la route... Le bruit court que nous allons libérer Paris, 25 août 1944, les livres d'histoire, les faits d'armes, les autobiographies, les films... tout ou presque a été dit, écrit ou filmé.
Mais une chose nous appartient à Pierrot et moi, que personne d'autre ne peut écrire, car le Destin a voulu que nous en soyons les acteurs. Nous sommes fourbus et les automitrailleuses traînent dans la nuit sombre. Nous venons de libérer Paris... La Croix de Berny, le Quartier Latin, le Sénat... En ce samedi 26 août les escadrons du 1er R.M.S.M. rassemblés sur la place accueillent le général de Gaulle à l'Hôtel de Ville. Nous étions là Pierrot et moi... « Debout dans les tourelles, entourés de lilas par un peuple grisé... »" Laurent Laloup le mercredi 25 février 2009 Contribution au livre ouvert de Pierre Robert Etienne Mercinier | |