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Mémoires du chef des services secrets de la France libre Jean-Louis Crémieux-Brilhac & Colonel Passy
Odile Jacob 2000
" Personne ne se connaissait au sein de ce grouillement d'êtres, venant de tous les horizons, qui s'étaient retrouvés à Londres au quartier général delà France Libre. Seuls ceux qui, comme moi, revenaient de Norvège avaient, pour les unir, quelques souvenirs communs ; seuls aussi, parmi tous les autres, ils avaient dans le cœur la certitude tenace de n'avoir point été vaincus. Ce fut parmi les officiers et les sous-officiers sans troupe que, au hasard de la bataille, j'avais rencontrés pendant les précédentes semaines et que je reconnus dans une masse de nouveaux visages, que je choisis mes premiers collaborateurs : Lagier, petit lieutenant de chasseurs, ronchonneur mais précis ; Duclos, le géant cagoulard, sympathique et jovial, gros mangeur, gros buveur, coureur de filles, courageux comme un lion et dont jamais on ne comprendra les raisons qui le poussèrent un jour à conspirer, car il est né pour le commerce et déteste la politique ; Beresnikoff, lieutenant d'artillerie rosé et blond, qui parle cinq langues à la perfection. Il est timide et rarement on l'entend ; amoureux du grand air, il va bientôt souffrir de rester enfermé entre les quatre murs d'un bureau sombre et triste.
À ces trois officiers se joignirent trois sous-officiers. Lecot, d'abord, grand garçon brun et sympathique, intelligent et travailleur, qui deviendra tres vite un rouage essentiel de la machinerie naissante ; discret et soli-ttve, il possède d'instinct les qualités voulues pour un service secret. Martin, dont je fis mon secrétaire et mon souffre-douleur. Au cours de ces années, il me suivra toujours et partout, loyal et fidèle, et sera ma mémoire car, seul, il saura retrouver aisément les papiers que je lui demanderai dans le fatras gigantesque des documents qui, peu à peu, s'amocelèrent. Enfin, Barnett, mince et barbu, montera devant mon service une garde vigilante jusqu'au jour où l'aventure l'appellera en Afrique, irresistible attirance du crocodile qui, un matin, le dévora en quelque riviere au nom inconnu.
Voilà pour le 2e bureau. Quant au troisième, que j'abandonnai d'ailleurs peu après, le capitaine de Hautecloque en assuma la direction. Un capitaine Vivier me fut adjoint pour quelques jours, puis disparut en météore et je ne le revis que bien des mois plus tard... sous le britannique." Laurent Laloup le samedi 03 janvier 2009 Contribution au livre ouvert de Maurice François Duclos alias Saint Jacques | |