|
"L'autre fait qui mérite, je crois, d'être relaté, c'est qu'au cours d'un de mes passages entre les rangées de lits où reposaient les blessés, l'un d'eux, nommé Jacques Vatine, m'arrêta et me dit : "Vous êtes le rabbin ? Je répondis par l'affirmative. Il me déclara : "Je suis juif", tandis que je jetais un coup d'oeil sur sa fiche qui portait la mention "sans religion". Il me dit : "Je me demande si ce n'est pas de la lâcheté ?". Je répliquais : "N'en doutez pas un instant". Une telle réaction de ma part n'est-elle pas étonnante, alors que j'avais suggéré auparavant que l'on donne de fausses identités à nos soldats ? N'étais-je pas en contradiction avec moi-même ? Il n'en n'est rien, car ces soldats que je désirais "aryaniser" ne niaient pas, ou n'avaient pas l'intention de nier leur identité juive. Il s'agissait uniquement de prendre une mesure de protection, de sauvegarde. Alors que le soldat que j'avais devant moi, à Zuydcoote, voulait ou semblait vouloir renier sa qualité de juif. Il s'agit donc de tout autre chose. Quelle fut la suite de ce dialogue? Nous nous retrouvâmes à Nice en 1955. Et Jacques Vatine me raconta ce qui lui était arrivé. Il parvint à passer en Angleterre, s'y engagea dans les Forces Françaises Libres, épousa une Juive, et si bref qu'ait pu être notre entretien à Zuydcoote, je crois qu'il éveilla en lui une fibre juive. Il devint un Juif conscient, et s'établit plus tard avec sa famille à Jérusalem, où il est décédé il y a environ deux ans (en 1991)."
judaisme.sdv.fr  Laurent Laloup le dimanche 02 novembre 2008 Contribution au livre ouvert de Jacques Vatine | |